A l'ère du numérique où les machines remplacent de plus en plus les gens et où l'obsolescence programmée est plus commune que jamais, quel pire affront fait au système que de ne pas consommer stupidement et sans cesse, quel pire de pied de nez fait à l'industrie de moins en moins morale et raisonnable, que d'acheter d'occasion ? La seconde main est en effet un peu le saint Graal de l'économie alternative, là où tout est moins cher et moins dégueulasse pour la conscience. En fait, quoi que l'on achète, quelles que soient les conditions de production, quel que soit le prix abusif de base, quelle que soit la marge de base du vendeur, les transports, les normes non respectées, les animaux torturés pour le faire, acheter d'occasion, c'est avoir le produit sans cautionner sa fabrication, si chaque unité monétaire est un vote, alors celle dépensées en occasion disent "ce n'est pas un produit qu'il faut jeter" et celle en neuf disent "c'est un produit qu'il faut produire". Je ne vois que des avantages à l'occasion, d'un point de vue sociétal. Premièrement, ça crée des emplois, ou ça occupe des fonctionnaires qu'il faut, de toutes manières, bien occuper à quelque chose. Beaucoup de gens vivent de vendre en grande quantité des produits en brocante ou en magasin, et pour eux, il n'y a pas de petit profit. De fait, ils font souvent une marge largement supérieure aux magasins de neuf, par article, puisqu'ils achètent en très gros, pour presque rien, et vendent au détail pour pas grand-chose. Deuxièmement, le marché de l'occasion évite une partie du gaspillage. Bon, pas assez, on est dans une société qui gaspille encore énormément, mais c'est un bon moyen de contribuer, chaque objet acheté en seconde main a une durée de vie étendue, et il sera jeté plus tard qu'il ne l'aurait été, c'est mieux que rien. On peut voir l'extrême de ce comportement, pour s'amuser un peu. Un monde avec une seconde main florissante, tout ne serait jeté qu'après avoir été usé jusqu'à la moelle, irréparable, inutilisable. Peut-être, en rêvant un peu, cela générerait-il assez peu de déchets pour que ce qui est sporadiquement jeté soit entièrement recyclé. Troisièmement, ça fait perdre un peu de pouvoir à des organismes, comme la plupart des multinationales, qui ne veulent pas le bien de la société, seulement son argent. Acheter pas cher, revendre juste un peu plus cher, certains diront que c'est aussi ce que font pas mal de magasins de neuf, mais ce qu'il y a de merveilleux avec l'occasion, c'est que bon marché n'est pas synonyme de mauvaise qualité, même si ça rime. Il est possible de que ce soit le cas, je ne dis pas le contraire, la plupart des articles du marché de l'occasion, sont après tout, des articles qui ont été dans le marché du neuf, qui se compose essentiellement de camelote pas cher. Mais ceux-là sont les plus touchés par les problèmes qui les rendent inutilisables et irréparables et une grande partie ne quitte la première main que pour la poubelle. Je rève d'une société qui ne produirait que de la qualité, mais cet idéal a probablement été tué par la loi Le Chapelier. Mais en comptant également que les invendus se retrouvent parfois avec la seconde main, il y a indéniablement de la camelote dans le marché de la seconde main. Mais dans ce tas d'immondices, il y a parfois des perles, et c'est là que l'on bénit son existence. Trouver pour un euro une cravate et un mouchoir en soie, ou une veste longue en laine, un portefeuille expertement fabriqué, cela relève presque du miracle, mais ça arrive.