Mon travail est presque obsolète Je parle bien sûr de mon travail de journée, celui qui me permet de manger et de me loger. Écrire ici est sympathique, mais ça ne me rapporte pas un copec. Je serai un jour obsolète, désuet, inutile et trop cher. Je crée à peine plus de richesse que j'en consomme, je suis fragile comme du verre et quasiment aussi compliqué à réparer. Quand une machine perd une partie, c'est pas gratuit de la remplacer, mais ça se fait vite et bien. Elles pensent plus vite, ont besoin de moins de place, moins de pauses, moins de gestion et coûtent moins cher sur le long terme. Et ce n'est pas une mauvaise chose. De toutes manières, ça se fera, alors autant l'accepter. Le monde change, le travail aussi. Qui a besoin de nos jours, d'un porteur d'eau, d'un charretier, d'un laboureur ? Les postes peuvent techniquement tous disparaître un jour. Et ce n'est pas un drame. De fait, quand ce sera le cas, il se pourrait que le travail n'aie plus aucune valeur et que seule la création artistique humaine soit un moyen de subsistance. Ou que comme les machines font toute la création de richesse, le salaire universel devienne une bonne idée, peut-être même la seule idée viable. On arrivera bien à un état similaire ou comparable, si bien sûr on est pas tous morts d'ici là. Stupides et autodestructeurs que l'on est on pourrait tout à fait ne jamais même arriver où que ce soit à un niveau d'industrialisation qui rend le travail humain minoritaire. Le problème justement, c'est de passer ce cap. Même en excluant les risques de destruction totale, passer de l'état actuel à une absence de la valeur travail est une transition difficile à gérer. Et c'est exactement ça le problème qui va se poser : la gestion. Pour que la population ne subisse pas comme des coups de marteau chaque innovation technologique, il va falloir de bons gestionnaires, de bons politiciens et bon... Comment dire... Va vraiment falloir qu'on reprenne la politique en main d'ici à ce que les robots commencent à se perfectionner, les gens. Va falloir arrêter de vous comporter comme des moutons de panurge, au point que les résultats électoraux sont littéralement corrélés aux temps d'audience télévisuelle des différents candidats. Va falloir bouter les oligarques, les aristocrates et les parasites. Installer des contrôles et des contrôles des contrôles, tenir les gestionnaires en laisse et à l’œil. Mais aussi embrasser le changement. Parce que les décisions qui s'imposent ne satisferont pas tout le monde et il faut tout autant que les bourgeois pensent au bien commun que les plus pauvres des mendiants. Un des problèmes majeurs de la démocratie est qu'elle ne peut prendre aucune décision que personne ne pense être dans son intérêt, mais qui s'impose. C'est pour ça qu'il est quasiment impossible de faire passer, où que ce soit, quelque projet de décroissance que ce soit. Tout le monde veut une plus grosse part du gâteau se trouvant à portée, qui accepterait que l'on réduise partout la taille des gâteaux ? Et pourtant la décroissance est probablement la meilleure chose qui puisse nous arriver. Tout tend à démontrer que nous serions plus heureux dans un monde plus simple et plus calme, qui ne court pas à sa perte dans une poursuite effrénée de croissance infinie. Mais ce n'est pas le sujet. Pour conclure, quelque soit leur utilité future, pour que l'on puisse profiter du travail des robots, il va falloir une bien meilleure gestion et une meilleure abnégation que ce que l'on trouve maintenant. Autant dire qu'en continuant ainsi, ça va très mal se passer.