Il est déplorable que la richesse de notre beau pays prenne ses fondations sur l'exploitation et la prolétarisation du monde ouvrier, mais nous sommes nés devant les faits accomplis et la seule chose que nous puissions faire est d'apprendre de cette époque et tout faire pour que cela ne se reproduise plus jamais. Avec un peu d'ironie, j'ai choisi comme axe de cette synthèse le trio de valeurs qui a fait la gloire des Lumières, brandies par l'élite de cette époque et de la nôtre : la liberté, l'égalité et la fraternité. La liberté primordiale, à cette époque comme à la nôtre d'ailleurs, est celle du marché. Cela commence avec la destruction des corporations par le ministre Turgot, régnant alors despotiquement sur la France et jugeant les corporations, pourtant garantes d'un marché riche et équilibré, avec des prix stables et garantis et une qualité indéniable du produit, comme néfaste. L'excuse était bonne, il faut avouer, car les corporations étaient en effet endettées, mais même en ne cherchant qu'un peu, on se rend compte que cette dette coïncide à des taxations spéciales que le roi avait effectué alors qu'il se faisait dépouiller par les caprices de sa femme, la célèbre Pompadour. Les corporations détruites, les industriels de l'époque furent alors libres d'engager n'importe qui, sans le salaire et les avantages sociaux que garantissaient les corporations. Les ouvriers, eux, sont moins libres que des esclaves. Leur salaire ne leur permet pas de vivre dignement, sans même avoir le droit de se rebeller, par la grève, qui à cette époque pouvait avoir un réel impact sur le destin d'une entreprise. Leur seule liberté finissait par celle de se laisser aller au désespoir et à l'alcoolisme, ce qui leur gâchait encore plus la vie, le moindre sou leur étant nécessaire pour vivre. La loi Le Chapelier, responsable de la destruction des corporations a aussi eu une dimension égalitaire. En effet, elle a non seulement aboli les statuts des ouvriers selon leur compétence, mais a aussi permit à tous d'aller se faire également exploiter à l'usine la plus proche, même les enfants, parfois très jeunes, dont les journées étaient aussi longues et le travail aussi dur que ce que devaient faire les adultes et ce pour des salaires tout aussi bas, voire moindres. La stratification sociale était totale : les employeurs avaient le prestige, l'éducation et se partageaient la richesse tandis que les ouvriers, mal considérés et n'ayant pas les moyens de faire des études, se partageaient plutôt la misère. Le clergé tentait d'améliorer un peu la vie des pauvres gens, autant dire, de presque toute la population, mais vainement. Tous sont égaux devant la loi, mais la loi, elle, peut être partiale. On remarque que les nouvelles lois ne furent des progrès pour la condition ouvrière que dans la seconde moitié du siècle et après. Difficile de croire que tous les hommes sont frères en voyant ce qu'ont nécessité ces avancées : des grèves, violemment réprimées, ou exposant au moins l'ouvrier participant à des sanctions. Entre les ouvriers campagnards - issus du fort exode rural qu'a connu cette époque - et les forces de l'ordre ou les bourgeois capitalistes, on trouve difficilement l'amour fraternel. Au moins, les ouvriers entre eux, vivaient comme des frères... tous dans la même pièce. Les ouvriers devaient, en effet, se loger dans des lieux étroits et insalubres, à plusieurs ménages, pour ne pas payer un loyer trop élevé. Entre ça et les jours de travail allant jusqu'à quinze heures, sans compter les déplacements et les repas, dans des conditions ignobles, causait une forte mortalité, surtout chez les enfants, qui rappelons-le travaillaient comme des adultes. À ajouter à cela des règlements très durs, qui exposent à des retenues sur salaires, comme s'ils n'étaient pas assez bas et que les libertés que prenaient les employeurs sur le payement de ceux-ci n'étaient pas assez problématiques. Mais il y avait encore pire, en cas de faute plus graves, toujours selon ces règlements abusifs, par exemple faire grève, aussi légitime que soit la raison, l'ouvrier était renvoyé, avec une note négative dans son carnet d'ouvrier, ce qui rendait plus hasardeuse la recherche d'emploi. En comparaison, les esclaves nourris, logés et blanchis des plantations de canne à sucre semblent avoir une vie agréable. La conclusion sera courte : les conditions de vie des ouvriers au XIXème siècles étaient inacceptables, inhumaines, en tout point et il a fallu beaucoup d'efforts pour qu'elles s'améliorent. Protégeons-nous de toute régression dans ce domaine, au moins par respect pour nos aïeux.